Les Claxton - Aldous HUXLEY
Les Claxton est une nouvelle extraite du recueil Le sourire de la Joconde et autres très courts romans.
J'ai dû mal à croire que cette nouvelle ait été écrite au début des années 20, on pourrait aisément confondre cette famille avec une famille type bobo des années 2000, tant Huxley avait une vision éclairée et avant-gardiste de la société.
L'auteur décrit un couple et leurs deux enfants, issus de la bourgeoisie, qui désire se distinguer de la masse en s'élevant spirituellement, en se nourrissant différemment, en refusant l'esclavage imposé par la société consumériste et donc, en adoptant une vie d'ascète vouée à l'art, à la spiritualité et à l'éducation de leurs enfants. Jusqu'ici tout va bien, je partage d'ailleurs des points communs avec cette famille, sauf que l'on s'aperçoit rapidement qu'Huxley décrit ici le mythe de la singularité. Le but ultime de ce couple (surtout la femme; le mari étant présenté comme une personnalité malléable) n'est pas l'épanouissement personnel mais la distinction. Ils refusent d'écouter ce qu'ils sont et ce dont ils ont envie, en s'astreignant à suivre une discipline de fer (sous une apparence de douceur) pour être ce qu'ils veulent être (en apparence du moins). Tout est donc dans l'apparence: on est végétarien et on restreint ses rations de nourriture sous le prétexte fallacieux de préserver sa santé, mais il s'agit bien d'une question d'argent. La mère, sous son masque de douceur, est tyrannique. Elle oeuvre pour que son mari et ses enfants soient tels qu'elle veut qu'ils soient: des ascètes pieux aimant l'art pour l'art, refusant toute forme de frivolité, se nourrissant exclusivement de légumes froids, alors qu'elle se cache pour manger du chocolat et des fruits confits. Que c'est triste de ne pas s'accepter et s'aimer tel que l'on est, et de s'astreindre ainsi à être un personnage factice.
J'ai été particulièrement touchée par le personnage de la petite Sylvia, qui furieuse et révoltée contre ses parents, fait tout un tas de bêtises, vole notamment un morceau de bacon pour le manger en cachette, "c'est comme le jardin d'Eden, dit un personnage s'adressant à la mère de l'enfant, et de continuer: "... si vous entourez le bacon de mystères et d'impératifs catégoriques, que peux-tu attendre, ma pauvre Martha ?"
Pour moi, Aldous Huxley avait tout compris à la manière d'éduquer les enfants : "Comme la plupart des enfants, elle aurait aimé qu'on lui retire la responsabilité de ses actes; elle en voulait à sa mère et à son père de la forcer à dépenser tant de volonté pour leur résister, tant d'émotion douloureuse à se laisser en fin de compte vaincre. Cela aurait été tellement plus simple si ils avaient insisté dès le début, s'ils l'avaient contrainte à obéir tout de suite et lui avaient ainsi épargné toute cette peine."
La petite Sylvia me rappelle un petit garçon de 7 ans qui commet aussi tout une série de bêtises, et cela, parce qu'il ne jouit pas d'un cadre suffisamment sécurisant. Lorsque l'enfant agit mal, son père le regarde tristement: "tu me fais tellement de peine, mais qu'allons-nous faire de toi?" et fait passer ainsi l'enfant pour un monstre. Ce serait tellement plus simple pour l'enfant que l'adulte prenne ses responsabilités en installant des balises, en étant plus ferme dès le départ, plutôt que de laisser à un enfant aussi jeune le choix de faire ou pas la bêtise. Pourquoi tenter le diable?
Eduquer un enfant, ce n'est pas une synécure, c'est certain. Je suis moi-même maman, et ce n'est pas évident de savoir ce qu'il faut faire pour bien faire. J'ai voulu être une maman attentive, présente pour son enfant. J'adore lui raconter des histoires, je joue avec lui à des jeux de sociétés, on papote beaucoup, etc... Bref grâce à moi, mon fils n'aime pas lire. Il a le droit de ne pas aimer évidemment, chacun ses goût, il y a d'autres choses à faire, à découvrir, mais je pense qu'en lui lisant des histoires, en jouant beaucoup avec lui, je ne l'ai pas aidé ni à faire l'effort de lire et de découvrir par lui-même, ni à stimuler son esprit créatif. L'enfer est pavé de bonnes intentions... Donc depuis peu, j'ai changé mon fusil d'épaule, je vaque à mes occupations, et je le laisse s'occuper seul. Au début, il s'ennuyait ferme, et c'était maman par-ci, maman par-là, pour un oui ou pour un non. Je me suis surprise à culpabiliser mais j'ai tenu bon. Et hier, il a déniché un vieux livre de bricolage, du papier de couleur, du carton et il s'amuse bien, il lit les explications et il crée. Mission accomplie :-)
Thémis